Dead Memories. [Spoilers saison 6] ^

En réalité, je n'aime pas franchement cet OS, car je trouve qu'il n'a pas de substance. Rien de ce que je voulais faire passer ne s'y retrouve, et je suis bien plus à l'aise avec les personnages mis en scène dans mes récits précédents (Lorelei, Red John, Volker, Rosalind). J'ai tout de même décidé de le partager avec vous, même si j'ai longuement hésité, surtout pour avoir votre avis sur tout ça.

Cet OS est censé faire suite avec l'épisode 6.06, Fire and Brimstone. Même si j'en prépare un autre plus étoffé qui me fait plus prendre mon pied sur le sujet. Bref, je suis clairement déçue du rendu de celui-ci.

Les derniers évènements s'étaient égrenés dans une torpeur lointaine, le plongeant dans une sorte de léthargie protectrice. Il ôta sa veste et s'assit sur le restant de talus carbonisé, perdu dans ses pensées. La raison pour laquelle cette opération avait si mal tourné le lui échappait encore : il tentait de se remémorer les éventuelles failles de son stratagème, en vain. La vérité était qu'il perdait totalement pied face à son adversaire légendaire, qu'il se heurtait à un mythe quasi-inaccessible qui échappait à son total contrôle. Comment avait-il pu … ? Il essayait de faire fonctionner ses neurones à plein régime, mais les pensées tourbillonnaient, désordonnées, contradictoires, sans connexion logique entre elles. Il s'était toujours avéré prêt à tout pour mettre la main sur celui qui avait tailladé sans scrupule dans son bonheur d'antan, mais était-ce une raison suffisante pour avoir ôté la vie à trois suspects qu'il savait désormais innocents ? Patrick Jane n'était plus sûr de rien. Peut-être aurait-il du abandonner cette traque, ou au contraire la mener de façon entière en annihilant toute forme de ressenti quelconque. Au plus profond de lui, il le savait désormais, il admirait Red John pour tant d'ingéniosité et de complexité, dusse-t-il avouer qu'il nourrissait un certain intérêt pour l'assassin de sa femme et sa fille. Il ne savait pas comment … Une pensée aussi spontanée que violente lui sauta alors à l'esprit, joyeuse comme une flamme cruelle, interrompant le flot dense de ses réflexions. Il ne capturerait jamais cet homme. Au fond de lui, il en avait la féroce intuition. Jamais il ne pourrait se confronter à lui dans cet échiquier final. Toute forme de rédemption était illusoire.

Un vague bruissement d'étoffe le fit sursauter, l'arrachant brusquement à ses certitudes. Une jeune fille blonde se tenait à quelques mètres de lui, à l'endroit même où les fondations de la bâtisse s'étaient muées en cendres, baissée négligemment contre la terre roussie, les cheveux lui retombant dans les yeux.

« - Hé … Excuse moi, mais … C'est … Enfin, c'était chez moi … Chez nous, plutôt, avec ma … Tu ne devrais sûrement pas être ici à cette heure. », tenta-t-il de prétexter pour éviter soigneusement de préciser qu'elle était sans doute accroupie sur les restes de Bret Stiles, Ray Haffner ou du shérif McAllister. Peut-être même un peu des trois à la fois. Inutile de choquer davantage cette jeune vagabonde.

L'inconnue esquissa un mouvement furieux et se redressa prestement, lui faisant désormais face. Ce que Jane put lire dans ses yeux le heurta de plein fouet. Un mélange de dégoût, de haine et de profonde tristesse venait entacher la vitalité de ce regard reconnaissable entre mille.

« - Charlotte ? Je … C'est toi ? Ce qui s'est passé, c'était ...
- T'as même pas besoin de l'expliquer, putain !, explosa la jeune fille. Qu'est-ce que tu as fait ? Qu'est-ce que tu NOUS as fait, à maman et moi ?! Tu n'étais pas …
- Attends, je vais t'expliquer …
- Il n'y a rien à expliquer ! Il me semble que tu as eu le temps de te trouver des tonnes de justifications en neuf ans, non ? Alors maintenant, tu vas m'écouter. Imprime bien ce que j'ai à dire parce que ce sera la dernière fois. Tu n'étais pas là pour nous protéger de ce tueur, tu as laissé le scandale éclabousser ta propre famille, et tout ça pour quoi ? Pour la médiatisation ? La gloire ? L'ego de jouer à qui pisse le plus loin avec un assassin complètement barge ? Tu l'as déjà fait avec nous, papa, quand vas-tu enfin te décider à arrêter ? Tu te rends compte jusqu'où ça va ?! Il a fallu notre tête, à maman et moi, celle de quelques unes de tes amies, et maintenant de ces trois innocents ? Tu ne t'arrêteras donc jamais ?! »

Les larmes brouillaient maintenant la vue de Jane, qui ravala un profond soupir pour les éviter. Pas maintenant.

« - Mais ... Ce que j'ai fait, je l'ai fait pour vous ... Pour vous deux, ta mère et toi. Tous ces sacrifices, ces années passées à n'exister que par le sillage de cette vengeance future. Tu ne peux pas ...
- Bien sûr que je peux ! A quoi tu t'attendais en t'attaquant à lui ?! Qu'il laisserait courir sans aucune attention ? Qu'il jouerait la carte de l'indifférence ? Pour quelqu'un d'intelligent, parfois tu ... C'est toi qui a provoqué ce type, c'est pas lui qui est venu à toi pour saccager ta vie. Tu l'as foutu en rogne, papa. Tellement en rogne qu'il ne lâchera jamais. Tu as bousillé ta vie, celle des autres ... Tourne la page, tourne cette putain de page ! »

Il darda un regard sur la jeune fille, incrédule. Etait-ce vraiment ce qu'elle pensait au fond d'elle ? Etait-ce de cette façon qu'elle jaugeait sa dévotion de chaque instant, cette envie de venger ce qu'il avait eu de plus cher au monde ?

« Eh oh ... Je ne suis qu'une projection de ton esprit, je te rappelle. Comme de celles qui viennent te hanter la nuit et qui repartent une fois le jour levé. Je ne suis plus que ça, papa. Depuis neuf ans. Un grain de poussière dans un écrin refermé par le temps. Mais toi ... Toi, tu as encore tellement à vivre. Tu as encore tant à gravir, à construire. Je ne suis qu'un hologramme inventé, imagé par tes soins, mais toi ... Tu es fait de chair et de sang. Tu peux encore inverser le cours des choses ... Si tu le voulais réellement ... Oh, je sais ce que tu penses, mais maman ne t'en aurait pas voulu. Et ... Moi non plus, tu sais. J'imagine que c'est dur de se résigner à la perte d'un être cher, à ma manière je t'ai perdu moi aussi, mais tu mérites mieux que ça. Il va t'anéantir ... Je t'en supplie, essaie. Au moins, essaie. »

Les sanglots dévalaient maintenant sur les joues de la jeune fille, venant troubler le bleu profond de ses yeux. Le visage marqué de douleur, Jane clôt les paupières, comme pour se protéger de cette réalité inévitable. Sa réalité. Lorsqu'il les rouvrit, ce ne fut que pour voir disparaître Charlotte petit à petit dans la brume, son corps ne faisant qu'un avec la légère brise du soir. Il murmura, plus pour lui-même que pour ce fantôme dissipé : « Je suis désolé ... Je ... Je ne peux pas. » En guise de signe ultime, les yeux de sa fille restèrent un instant en suspens, empreint d'une douleur sourde, pour s'évaporer tout à fait.

« Charlotte ... Charlotte, je t'en prie ... Reviens ... » Sa voix n'était plus qu'un murmure rauque brisé, exténué, d'où suintait toute sa résignation. Elle ne reviendrait pas. Et ce combat acharné ne la lui rendrait jamais. Il se laissa tomber sur la terre souillée, d'où la jeune fille était apparue quelques instants plus tôt. Il hurla à la lune le prénom de sa fille, puis se laissa envahir par les sanglots, impuissant et dévasté. Ne régnait alors plus que le silence d'une nuit sans fin.