Mon ange ^

2 heures après Morphée n'est toujours pas là. Tant pis reste de la plume.


Mon ange

Je tiens ton corps frêle dans mes bras. Je te presse un peu plus contre moi. Ta belle robe blanche, celle que tu aimes tant, est pleine de sang. Je hurle ton nom mais déjà tu ne m’entends plus. Tu es ma petite fille, tu ne peux pas être morte. Ton corps si plein de vie ne peut pas s’être éteint. Je plonge mon visage dans tes longs cheveux bouclés et j’en hume une dernière fois l’odeur. Mon corps convulse sous la douleur. Je te berçe, je te dis des mots d’amour. Je te dis de ne pas avoir peur. Ma chemise se tache de ton sang. Cette pièce est mon enfer. Tu es ma peine, ma pénitence. La sentence est trop lourde. Je ne peux vivre sans tes rires. Ta mère est à côté de toi, elle aussi, sans vie. Un nouveau cri déchire le silence. Sans vous ma vie n’est rien. Une profonde colère s’insinue en moi. On a osé vous toucher, on a osé écorcher vos peaux. Je caresse le visage de ta mère. Je suis tellement désolé, si tu savais comme je suis désolé. Frénétiquement, je me mets à te demander pardon. Je t’en prie pardonnes-moi ma petite fille, pardonnes moi pour ne pas t’avoir protégé. Tu étais si innocente. Tu ne connaissais pas la peur, la haine, la folie. On t’a tout ravi. On t’a arraché à ta naïveté d’enfant, à tes rires. Ta vie tout juste commencée n’est déjà plus.

Un policier rentre pourtant je n’entends rien, je ne vois rien que ton petit corps frêle sans vie. On m’éloigne de toi. Je ne comprends pas. Je ne veux pas te laisser, il est encore trop tôt. Tu as besoin de moi. Tu n’es qu’une enfant. Tu es mon enfant, la chair de ma chair, le sang de mon sang. Je vous en prie laissez-moi l’accompagner, je vous en prie… Un regard compatissant se pose sur moi mais pourtant on t’éloigne encore. C’est la dernière fois que je te vois.

« Ma petite fille », pendant plusieurs heures je n’ai que ce mot à la bouche. Je le hurle douloureusement mais tu ne reviens pas. La souffrance, cette affreuse souffrance reste. Je voudrais me réveiller. Je vous en prie faites que ce cauchemar s’arrête. Il ne s’arrête pas. Pourquoi ne s’arrête-t-il pas ? Je voudrais tellement revenir en arrière. Je voudrais te voir courir dans l’escalier et sauter dans mes bras. Je voudrais pouvoir te pousser sur la balançoire, t’écouter jouer du piano, te voir faire des confidences à ta mère. Je voudrais que tes petits yeux espiègles puissent encore se poser sur le monde. J’aimerais te voir grandir, te ramener de l’école. Je voudrais pouvoir te sermonner pour tes mauvaises notes, commenter tes premiers émois, t’apprendre à conduire, t’amener à l’autel.

Pourtant ta vie s’est arrêtée là sur ce vieux parquet mal ciré, dans cette petite robe avec cette petite poupée auprès de cette si belle mère, morte elle aussi. Je ne sais pas comment gérer cette douleur. Je ne peux pas gérer cette douleur. Elle est trop forte. Elle me tue, tu m’entends elle me tue. Je t’en prie reviens... Bientôt je me terre dans le silence. Tu ne reviendras donc pas ? Je créais des conversations imaginaires que j’entretiens avec toi. Je crois que je deviens fou. Je me raccroche à une idée, je me raccroche à toi mon petit ange. Je te revois encore et je me fais une promesse, celle de te venger de la pire des manières parce que tu es ma petite fille, parce que tu es mon ange…parce que jamais on n’aurait dû toucher à mon ange.