Little Bird^

La nuit était tombée depuis quelques heures déjà sur la ville de Sacramento. Au Bureau Californien d'Investigations, seule une femme ne semblait pas s'être rendue compte de l'heure. Installée à son bureau, l'agent Teresa Lisbon réglait les dernières détails de l'enquête qui venait tout juste d'être bouclée. Une affaire de plus pour l'unité des crimes majeurs, mais qui avait néanmoins bouleversé la plupart des agents de son équipe. Un homme avait froidement assassiné son épouse et sa petite fille de sept ans, tout cela parce qu'elle prévoyait de le quitter. Une seule journée avait été nécessaire pour identifier le meurtrier, mais cela avait été une journée éprouvante. Le moral de l'équipe n'était donc pas au beau fixe.

Lisbon posa son stylo sur la table et appuya une main contre son front. Elle fixait le fond de la pièce, plus particulièrement le canapé de Jane sur lequel ce dernier avait l'habitude de venir se reposer, le soir. Il arrivait dans son bureau sans frapper, parfois même sans dire un mot et s'allongeait sur le sofa, pouvant ainsi y rester pendant plusieurs heures, jusqu'au moment où la brunette rentrait chez elle. Même si elle ne l'avouerait probablement jamais, elle se sentait apaisée lorsqu'il était là, sans vraiment savoir pourquoi.
Mais ce soir là, il n'y avait aucune trace du consultant sur son canapé, et la raison de cette absence ne lui était pas inconnue. Lors de l'enquête, le consultant n'avait presque pas lâché un mot, excepté lorsqu'il s'était vu contraint d'utiliser ses capacités afin de trouver l'identité du meurtrier. Une fois rentré au CBI, le mentaliste s'était enfermé dans son grenier. Depuis ce moment là, il n'avait montré aucun signe de vie.

Teresa n'était pas dupe, elle savait pertinemment pourquoi il s'était isolé. L'affaire l'avait affecté, ce qui pouvait parfaitement se comprendre. Le pauvre voyait probablement remonter en lui des souvenirs douloureux, les souvenirs de cette nuit où il avait perdu sa famille. Cet homme était son meilleur ami, elle ne pouvait pas s'empêcher de se faire du soucis pour lui. Elle avait conscience de la souffrance qu'il devait endurer, et cela était encore pire en étant seul, lorsque l'on n'avait personne autour de soi. Comme Jane en ce moment, isolé dans son grenier.

Un coup d'oeil rapide à l'horloge accrochée au mur indiqua à Lisbon qu'il était près de vingt trois heures. Elle rangea rapidement ses dossiers, ne voulant pas une fois de plus passer la plus grande partie de la nuit au bureau. Son travail la forçait parfois à rester jusqu'à une heure tardive au CBI, mais ce n'était pas ce qu'elle souhaitait ce soir là. Son seul désir était de rentrer chez soi et de se blottir dans ses couvertures, le froid étant toujours aussi présent en ce mois de janvier.
Une fois le bureau en ordre, la brunette se leva et éteignit la seule lumière encore visible dans les locaux du CBI, avant de se diriger vers l'ascenseur. Elle s'apprêtait à presser le bouton appelant l'ascenseur, mais quelque chose l'en empêcha.

Jane.

Teresa se retourna et regarda les escaliers menant au repaire de son consultant. Elle pouvait rentrer chez elle, mais sa conscience devait s'assurer que Jane allait bien. Si jamais elle ne le vérifiait pas, elle serait capable de ne pas trouve le sommeil de la nuit entière. Le moral de son ami était bien plus important.
Lentement, elle monta les marches qui la séparaient des archives, qu'elle traversa sans faire de bruit. La porte du grenier n'était plus qu'à quelques mètres d'elle au moment où Lisbon remarqua que celle-ci était légèrement entrouverte, de quelques centimètres. Elle s'arrêta devant et porta la main à la porte, s'apprêtant à l'ouvrir. Devait-elle vraiment rentrer dans le grenier ? C'était l'espace personnel de Jane, elle n'avait pas à y rentrer comme bon lui semble…
D'un autre côté, son inquiétude pour le mentaliste la poussa à ouvrir la porte et à s'engouffrer dans la pièce.

-"Jane, vous êtes là ?" lança-t-elle avec un léger sourire.

A sa grande surprise, l'endroit était complètement désert. Le lit était défait, signe que quelqu'un avait dormi il y a peu de temps. Mais il n'y avait aucune trace de Patrick Jane. Dans ce cas là, où pouvait-il être ?
Lisbon s'apprêtait à quitter le grenier, mais quelque chose attira son attention. Le désordre sur le bureau de Jane était plutôt habituel, cela ne l'étonnait pas vraiment. Mais contrairement à d'habitude, un gros livre était posé en plein milieu, ouvert. En s'approchant, l'agent resta bouche bée. Il s'agissait d'un album photo.

L'album était ouvert à une page où plusieurs photos étaient présentes. Le petit sourire qu'elle arborait disparut de son visage lorsqu'elle détailla les photographies de l'album. Elles représentaient presque toutes toutes Angela et Charlotte. Sur l'une des photos, on pouvait voir la défunte femme de Jane tenant leur petite fille dans les bras, tandis que sur une autre, on distinguait un petit ange aux cheveux blonds et aux yeux bleus assise sur un tricycle rouge. Mais la photo qui attira le regard de Lisbon montrait la petite fille en compagnie de son père.

Teresa retira la photographie du plastique qui la protégeait afin de mieux l'observer. Une fois l'objet en question entre ses mains, elle détailla un peu plus l'image. Elle n'avait jamais vu Jane aussi souriant et heureux. Il portait une chemise bleue, ressortant avec ses yeux. Son bras gauche était autour des épaules de sa fille et il était agenouillé à ses côtés. Quant à Charlotte, elle portait une robe blanche et regardait également l'appareil photo, mais tenait un petit oiseau au creux de ses mains.

La brunette était attendrie par la photographie, mais elle sentit rapidement les larmes lui monter aux yeux. Sachant que Jane avait probablement consulté cet album il y a peu de temps, il devait être dans un triste état. Ces photos lui rappelaient des moments heureux, moments disparus à jamais. Tout comme ce magnifique sourire qu'il arborait au moment où la photo avait été prise. Délicatement, elle passa ses doigts sur le visage du mentaliste, comme si cela allait lui permettre de sentir ce sourire radieux. Le sourire d'un homme désormais brisé.

-"J'aurai préféré que vous ne voyez jamais ceci…"

Lisbon sursauta et se retourna brusquement à l'entente de la voix de Jane. La photographie toujours en main, elle fit face à son consultant qui se tenait dans l'encadrement de la porte.

-"Jane…je…"

L'intéressé avança dans la pièce, se rapprochant de sa partenaire. Cette dernière pensa qu'il allait venir jusqu'à elle, mais il tourna sur sa droite et se dirigea vers le lit improvisé.

-"Vous n'avez pas à vous excuser, votre curiosité vous a amené ici, c'est tout."
-"P-pourquoi vous ne vouliez pas que je vois ça ?"

Sans dire un mot, le blond s'assit sur le lit et à l'aide de sa main droite, tapota légèrement l'espace à côté de lui, invitant Lisbon à venir s'assoir à côté de lui. Sa coéquipière le rejoignit sans hésiter, et se posa à quelques centimètres de lui, sans même réfléchir. Elle n'avait jamais été assise aussi près de lui, leurs jambes se touchaient presque, ce qui la troubla légèrement. Mais elle préféra se taire, sa proximité avec Jane n'étant pas le plus important en ce moment.

-"Vous n'aviez pas à voir ça, c'est tout. Je constate que cela vous met mal à l'aise, je ne veux pas vous causer de la peine…" murmura-t-il.
-"Ne vous inquiétez pas, Jane, je vais très bien…" fit-t-elle en tentant un sourire timide.

Malheureusement, ce sourire ne suffit pas à rassurer Jane, il affichait toujours un air aussi triste sur son visage. Teresa regarda de nouveau l'image qu'elle tenait entre les mains.

-"C'est une très jolie photo…" lança-t-elle soudain.
-"Oui, elle…elle a été prise environ un an avant le…avant l'accident."
-"Pourquoi est-ce que Charlotte tient un petit oiseau ?"

Le mentaliste la regarda d'un air surpris, principalement par le fait qu'elle s'intéresse autant son passé. Son regard lui demandait silencieusement si elle avait vraiment envie d'entendre une histoire sur la défunte famille de Jane. Lisbon se contenta d'acquiescer de la tête, lui montrant qu'il pouvait se confier à elle.

-"C'était lors du mois de mai…il commençait à faire chaud, alors nous passions beaucoup de temps dans le jardin, surtout Charlotte. Elle passait ses journées à courir dans la propriété, j'adorais la regarder s'amuser. Je m'asseyais sur la terrasse et je pouvais passer des heures à l'observer, à l'entendre rire. Elle pouvait vraiment s'occuper avec n'importe quoi…"

Jane fit une pause dans son récit afin d'observer la réaction de sa collègue. Elle le fixait de ses yeux émeraude, visiblement absorbée par ses paroles, ce qui l'encouragea à continuer.

-"Un jour, alors je j'étais assis dans le jardin, elle est venue me voir. Elle avait trouvé un petit oiseau blessé qu'elle tenait dans ses mains. Elle avait les larmes aux yeux, pensant que l'animal allait mourir. Je ne voulais pas la voir pleurer, ça m'était insupportable. Alors je me suis occupé de l'oiseau. Pendant environ deux jours, j'ai pris soin de lui jusqu'au moment où il était complètement rétabli."
-"Vous l'avez sauvé pour Charlotte ?"
-"Oui."

Lisbon laissa échapper un léger sourire qui n'échappa pas à son consultant. Décidément, cet homme était un véritable ange. Et elle ne pensait pas cela à cause de ses cheveux.

-"Et que s'est-il passé ensuite ?"
-"Lorsque l'oiseau fut soigné, je suis allé dans le jardin accompagné de Charlotte et Angela. J'ai confié l'oiseau à ma fille, et ma femme a prit la photographie que vous tenez entre les mains. Après ça, on l'a relâché dans la nature."
-"C'est vraiment très gentil, Jane."

L'homme lui adressa un sourire sincère, le premier depuis longtemps. Mais il remarqua bien vite que sa partenaire ne souriait plus. Elle fixait la photographie, ses cheveux tombant sur son visage. Malgré cela, le mentaliste aperçu une larme tomber sur la photographie.

-"Hey, Lisbon…Il ne faut pas pleurer…"
-"J-Je ne peux pas m'empêcher de penser à ce qui vous a été enlevé et…et ce n'est p-pas juste…ça ne devrait arriver à personne…" sanglota-t-elle.

Jane posa sa main sur celle de la brunette, ce qui lui donna des frissons. Il avait très peu de contacts de ce genre avec cette femme, mais cela lui provoquait toujours le même effet.

-"Malheureusement c'est la réalité, et je ne pourrai rien faire pour les ramener. Mais cela n'empêche pas les moments heureux comme celui-ci de rester à jamais gravés dans mon coeur. S'il vous plait, Lisbon, ne pleurez pas…"

Grâce à son pouce, il lui caressa le dos de la main, et comprit lorsque les sanglots cessèrent que sa coéquipière avait cessé de pleurer.

-"Elle devait être une petite fille adorable…"
-"Elle adorait les oiseaux." débuta le blond. "C'était son animal préféré…Alors Angela et moi lui chantions souvent une chanson qu'elle adorait. Dès qu'elle était triste, je lui chantais cette chanson et elle la chantait avec moi. Cela suffisait à lui faire retrouver le sourire…"
-"Quelle est cette chanson ?"

La brunette n'avait pas réfléchi avant de parler, ces mots étaient sortis tout seuls. Elle remarqua que Jane avait perdu son sourire. Elle venait probablement de réveiller de douloureux souvenirs.

-"Dé-désolé…je ne voulais pas…"
-"Tout va bien, Lisbon. C'était une chanson douce que je connaissais depuis longtemps."

Le mentaliste fit une pause, expirant profondément. Cela faisait une éternité qu'il n'avait pas prononcé les paroles de cette chanson, mais il s'en souvenait comme si c'était hier.

-"Little bird, little bird…" murmura Jane.
-"Fly through my window…"

Au son de la voix de Teresa, le consultant s'arrêta de chanter, stupéfait. Quant à la brunette, elle enchaina les paroles de la chanson.

-"Little bird, little bird, fly through my window…Little bird, little bird, fly through my window…And find molasses candy…"

Jane était sans voix. Il n'arrivait plus à lâcher un mot.

-"Cela faisait très longtemps que je ne l'avais pas chanté…" fit Teresa.
-"Vous…vous la connaissez ?"
-"Oui, ma mère me la chantait lorsque j'étais petite. Dès que je n'allais pas bien, elle s'asseyait à côté de moi et me chantait cette chanson. C'est sans doute le plus beau souvenir de mon enfance. Quand ma mère m'a quitté, il m'arrivais parfois de la chanter lorsque j'étais seule le soir, dans ma chambre. C'est quelque chose que je n'avais jamais confié à personne…"

Le consultant était heureux à la simple idée qu'elle venait de se confier à lui sur son passé, chose qui n'arrivait presque jamais. Pour lui aussi c'était une avancée, il n'avait jamais raconté cette histoire à personne.

-"Cela fait longtemps que vous avez cet album au CBI ?" demanda-t-elle soudain.
-"Non, quelques semaines. Il y a peu de temps, je suis retourné dans mon ancienne maison de Malibu. Et j'ai retrouvé cet album, c'était une des seules choses encore présente dans la demeure. Mais je crois que je vais le bruler."
-"Pourquoi bruler vos plus beaux souvenirs ?" fit Lisbon en haussant les sourcils.
-"Parce qu'ils sont bien trop douloureux. C'était ma seule famille, et elle n'est plus à mes côtés. Mais comme je vous l'ai dit, ces souvenirs resteront toujours dans ma mémoire. Je ne les oublierai jamais."

Lisbon sentit les larmes revenir, ce que Jane remarqua aussi. Il passa son bras droit autour de la taille de la brunette et l'attira contre lui. Il ferma les yeux en sentant son amie contre lui, bientôt imité par cette dernière.

-"Vous devriez rentrer, Lisbon."
-"N-non, je ne veux pas vous laisser seul."
-"L'affaire d'aujourd'hui vous a fatigué, vous avez besoin de repos, tout comme moi. Rentrez chez vous et dormez."
-"D-d'accord…"

Avant de relâcher son étreinte, Jane lui déposa un léger baiser sur le front, et se sépara finalement de sa partenaire qui se dirigea vers la sortie de la pièce. La brunette se retourna une dernière fois et adressa un sourire sincère au mentaliste.

-"A demain, Jane."

***

Dans les archives du Bureau Californien d'Investigations, un homme avançait lentement, songeur. Une tasse de thé à la main, Patrick Jane se rendait comme à son habitude dans son grenier, prêt à y passer une grande partie de la journée.

Son esprit ne pouvait s'empêcher de repenser aux événements de la veille. Se confier à Lisbon sur sa famille avait été un grand pas pour lui, ainsi qu'une avancée dans la relations qu'il entretenait avec elle. Et de voir que Lisbon avait également partagé avec lui des souvenirs de son enfance le rendait heureux. Il était conscient que sa partenaire était plutôt quelqu'un de secret, jamais il n'aurait cru qu'elle lui ouvrirait son coeur de cette façon.
Jane aurait aimé sourire à cette pensée, mais d'autres souvenirs l'en empêchaient. Ceux de sa famille. Plus particulièrement celui de la photographie que tenait Lisbon au moment où il l'avait surpris dans le grenier. Les moindres faits et gestes de cette journée étaient gravés dans sa mémoire, ce qui rendait parfois les choses encore plus difficiles à supporter. Il revoyait Charlotte courir dans le jardin de la villa de Malibu, le sourire de sa femme assise à ses côtés, l'air triste de sa fille lorsque celle-ci lui apporta l'oiseau trouvé à quelques mètres de là, sa petite voix chantant les paroles de la chanson, tout.

Le soir où le mentaliste avait trouvé l'album dans son ancienne demeure, il avait d'abord hésité à le ramener chez lui. Puis l'objet en question avait vite fini dans le grenier du CBI, considéré par Jane comme son bien le plus précieux. Il le feuilletait tous les soirs, se remémorant des souvenirs heureux à jamais disparus. Mais ces souvenirs étaient aussi tellement tristes que l'ancien médium souhaitait à présent détruire cet album.

Le blond s'engouffra dans son repaire et s'arrêta devant la fenêtre. Son regard s'arrêta quelques secondes sur la ville dont les lumières commençaient à faire leur apparition. Il devait être aux alentours de vingt heures, une nouvelle journée s'achevait. Une journée calme, paisible, sans affaire pour venir le tirer de son repaire. D'ordinaire, il appréciait les journées de ce type, mais pas en ce moment.

En posant sa tasse de thé, le consultant remarqua d'un livre était posé sur son lit. Chose étrange, puisqu'il ne se souvenait pas l'avoir laissé trainé. En général, il le rangeait toujours dans le dernier tiroir de son bureau. Curieux, il s'approcha du lit de fortune et constata que l'ouvrage n'était pas un quelconque roman. Il s'agissait d'un album photo. Jane attrapa l'ouvrage et passa sa main droite dessus. La couverture était en cuir marron, une multitude de petits symboles étaient gravés à même le cuir, ce qui rendait l'album tout simplement magnifique, d'une beauté rare.

Désireux de connaitre ce que l'ouvrage renfermait, Jane tourna la première page. Ce qu'il vit le laissa sans voix. Sur la première page, une photographie avait été placée en plein milieu. Tous les membres de l'équipe étaient présents. Côte à côte, ils souriaient face à l'appareil, plus heureux que jamais. Même Cho esquissait un sourire, ce qui rendait la photographie encore plus joyeuse. Une inscription était écrite en lettres noires.

Jane ne put s'empêcher de sourire face à cela, même s'il ne le montrait pas, il était extrêmement ému. L'identité de la personne ayant fait l'album ne faisait aucun doute. Lisbon, bien entendu. Ce qui toucha le plus le mentaliste fut la phrase écrite en dessous de la photographie. Elle avait raison. Sa famille n'était plus là, mais il pourrait toujours compter sur ses collègues du CBI. A eux cinq, ils formaient une véritable famille, soudée quelques soient les épreuves.

Au cas où, il tourna la page et se retrouva face à une autre photo, différente de celle présente en première page. Sur cette photo, seuls Jane et Lisbon étaient présents. La brunette regardait fixement la caméra, tandis que le blond avait le regard axé sur sa partenaire. Son bras était passé autour de la taille de Teresa, il affichait l'un de ses plus beaux sourires. En voyant l'image, il était incapable de se souvenir du moment où cette photo avait été prise. Mais ce n'était pas important.

"Little Bird, Little Bird", à écouter en boucle jusqu'à la fin !

-"Little bird, little bird, fly through my window…Little bird, little bird, fly through my window…"

Une voix douce résonna dans la pièce, ce qui réussit presque à faire sursauter Jane. Mais il ne bougea pas d'un pouce, s'autorisant juste un regard vers la source de ce bruit.

-"Little bird, little bird, fly through my window…And find molasses candy."

Teresa Lisbon se tenait dans l'encadrement de la porte, les bras croisés sur sa poitrine. Elle chantait les paroles de la mélodie à la perfection, sa voix harmonieuse prononçant chaque syllabe d'une voix incroyablement calme.

-"Through my window, my sugar lump…Fly through my window, my sugar lump…And find molasses candy."

Le mentaliste resta muet. Il était absorbé par la voix de sa partenaire, qui chantait cette mélodie qu'il n'aurait jamais pensé entendre de nouveau. Quant à Teresa, elle décroisa les bras et s'approcha un peu plus d'un Jane n'osant toujours pas esquisser le moindre mouvement.

-"Chickadee, chickadee, fly through my window… Chickadee, chickadee, fly through my window…"

La brunette s'apprêtait à enchainer les paroles, mais Jane reprit en même temps qu'elle, mêlant sa voix à la sienne.

-"Chickadee, chickadee, fly through my window…And find molasses candy."

Les deux partenaires chantaient à présent en parfait accord, se regardant droit dans les yeux. Plus rien n'existait autour d'eux, ils étaient seuls.

-"Through my window, my sugar lump…Fly through my window, my sugar lump…And find molasses candy."

Jane tenait toujours l'album entre les mains, il ne voulait pas s'en séparer.

-"Jaybird, jaybird, fly through my window…Jaybird, jaybird, fly through my window…Jaybird, jaybird, fly through my window…And find molasses candy."

Lisbon s'arrêta en face de Jane, à un mètre de lui. Elle plongea ses yeux dans le regard azur du blond, et arrêta de chanter. Contrairement à elle, Jane ne stoppa pas son chant.

-"Through my window, my sugar lump…Fly through my window, my sugar lump…And find molasses candy."

Lorsque le silence fut rétabli, aucun des deux n'osait parler. Jane n'arrivait pas à croire le fait que Lisbon venait d'entrer dans son bureau, chantant la mélodie favorite de sa petite Charlotte. Cette chanson représentait beaucoup pour les deux partenaires. Pour Jane, elle lui rappelait les jours heureux en compagnie de sa femme et de sa fille. Pour Lisbon, elle représentait une enfance brisée. C'était la chanson de deux âmes brisés.

-"Li-Lisbon…Je…je ne sais pas comment vous remercier…"
-"Vous n'avez pas à me remercier, Jane, vous ne me devez rien. Je voulais vous faire comprendre que vous n'êtes pas seul au monde. Quelques soient les difficultés que nous rencontrerons, nous serons toujours là pour vous. Nous sommes une famille. Ne brulez pas votre ancien album. Ce sont peut-être des souvenirs douloureux, mais cela reste des souvenirs, et des moments heureux de votre vie. Pour l'instant, il n'y a que deux photos dans notre album, mais tant que nous serons tous ensemble, nous allons petit à petit le remplir. Nous allons nous construire des souvenirs heureux."

Malgré sa volonté, le consultant sentait ses yeux s'embuer. Une larme commença à rouler le long de sa joue, mais il ne s'en soucia pas. Au lieu de s'en occuper, il s'approcha de Lisbon et la prit dans ses bras. Il serra son amie aussi fort qu'il le pouvait, tandis qu'elle passait ses bras dans le dos du mentaliste. Son geste était la plus belle chose que quelqu'un ait jamais fait pour lui. Jane montrait rarement ses émotions, encore moins en compagnie de quelqu'un, mais cette fois-ci, il ne pouvait pas cacher son émotivité.

Depuis la mort de sa famille, il avait toujours pensé être seul sur Terre, un homme brisé solitaire ne cherchant qu'à accomplir une vengeance obsessionnelle. Mais il se trompait. Et pour la première fois, il était heureux d'avoir tort. Heureux d'avoir des gens sur qui compter, des gens tenant à lui.

Nichant son visage dans les cheveux de Teresa, Jane lui murmura un dernier mot à l'oreille. Ils n'avaient pas besoin de beaucoup de mots pour se comprendre, et c'était ce qui rendait leur amitié si forte, leur relation si spéciale. Toutes leurs émotions se montraient dans leurs geste l'un envers l'autre. Un seul mot pour faire comprendre à sa partenaire à quel point il était heureux de ce qu'elle venait de faire. Et c'était suffisant.

-"Merci."