Hiatus ^

Tous les hommes sont mortels: mais pour chaque homme sa mort est un accident et, même s'il la connaît et y consent, une violence indue.
Simone de Beauvoir

Affalée dans son canapé, un verre de téquila à la main, Teresa Lisbon ressassait les évènements des derniers jours en essayant de remettre de l’ordre dans ses idées. Elle repensa à cette journée, à marquer d’une pierre blanche ou plutôt noire tellement elle avait été catastrophique. Cela avait commencé par une dispute avec Jane, à qui elle reprochait son attitude insolente et puérile et surtout son manque flagrant de décence lorsqu’ils allaient interroger les membres d’une famille en deuil. Son consultant avait une fois de plus sorti son plus beau sourire pour se faire pardonner, accompagné d’excuses aussi fausses que la poitrine siliconée de la veuve en question. Malheureusement pour lui, Lisbon ne décolérait pas et, agacée de l’avoir tout le temps dans les pattes, avait pris comme prétexte le fait que Rigsby soit à court de beignets pour sortir en trombe du CBI. Ce qu’elle n’avait pas prévu, c’était que Jane avait décidé de la suivre, mais il n’avait pas pu prendre le même ascenseur qu’elle et avait donc déboulé sur le parking du CBI au moment même où elle mettait un pied sur le trottoir en face du bâtiment de la police. Ne faisant ni une, ni deux, il s’était précipité pour la rejoindre sans faire attention aux voitures qui circulaient. Un crissement de pneus avait attiré l’attention de Lisbon, qui s’était retourné juste à temps pour voir un break percuter Jane de plein fouet …

Engendrée par la perte d'un être cher, la douleur jamais ne meurt...Et pour ceux qui partent comme ceux qui restent, seuls les regrets demeurent...
Auteur inconnu

Avouez que vous me détestez là ...

L’attente est un supplice.
La Chaussée

Lisbon se précipita pendant que plusieurs badauds s’attroupaient et que le chauffeur, hagard, ne cessait de se tordre les mains en répétant que ce n’était pas sa faute, qu’il avait surgi d’un seul coup. Lisbon sortit son portable et composa rapidement le numéro des urgences à qui elle expliqua rapidement la situation, précisant bien que Jane, à sa plus grande angoisse, était inconscient. Après avoir raccroché, elle le tourna en PLS et le couvrit de sa veste pendant que son équipe, qui avait elle aussi entendu le bruit de l’accident, accourait.
L’ambulance arriva rapidement et, un médecin urgentiste ayant fait comprendre à demi-mots à Lisbon qu’ils craignaient pour sa vie, Jane fut immédiatement acheminé vers le centre hospitalier. Elle monta à bord de l’ambulance pendant que Van Pelt se chargeait de prévenir Hightower et que Rigsby et Cho se chargeaient de procéder à quelques petits contrôles sur le chauffeur et de recueillir les témoignages des rares personnes présentes au moment de l’accident et qui auraient pu voir quelque chose permettant d’éclaircir un peu les circonstances du drame.
Sitôt arrivé à l’hôpital, Jane fut emmené en soins intensifs puisque les ambulanciers avaient détecté une hémorragie interne. Lisbon ne fut pas autorisée à le suivre et dut rester dans la salle d’attente, déjà pleine à craquer de gens qui attendaient eux aussi des nouvelles de leurs proches. Elle fut rejointe peu de temps après par son équipe, aussi inquiète qu’elle, et qui lui demanda immédiatement des nouvelles.

L'attente commence quand il n'y a plus rien à attendre, ni même la fin de l'attente.
L'attente ignore et détruit ce qu'elle attend. L'attente n'attend rien.
Maurice Blanchot


TBC ...

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Le verdict du passé est toujours le verdict d'un oracle. Vous ne le comprendrez que si vous êtes les architectes de l'avenir, les connaisseurs du présent.
Friedrich Nietzsche

Elle s’apprêtait à leur répondre qu’elle ne savait rien de mieux lorsqu’un médecin s’avança et leur annonça qu’ils avaient pu enrayer l’hémorragie interne de Jane mais qu’ils avaient du le placer dans le coma. Il rajouta qu’ils n’étaient pas sûrs que Jane soit hors de danger. A cette nouvelle, Lisbon sentit une larme de désespoir rouler sur ses joues. Cho le remarqua et lui posa une main pour l’épaule pour lui prodiguer un peu de soutien. Van Pelt s’était réfugiée dans les bras de Rigsby qui demanda au médecin combien de temps pouvait durer le coma de leur ami. Le médecin répondit qu’on ne savait pas encore beaucoup de choses sur cet état et que certains patients se réveillaient au bout de quelques jours, voire quelques semaines, d’autres au bout de quelques années, et d’autres enfin pas du tout. Il leur dit que Jane pouvait recevoir de la visite et rajouta que le meilleur moyen qu’on connaissait actuellement pour faire sortir quelqu’un du coma, était que ses proches lui parlent, pour qu’il puisse s’accrocher à leurs voix. Sitôt que le médecin eut tourné les talons, Lisbon se précipita dans la chambre de Jane, mais à le voir étendu là, inconscient, bardé de tuyaux, si différent du joyeux drille qu’il était d’habitude, elle ne put réprimer un sanglot tandis qu’une vague de culpabilité la submergeait. Cho, Rigsby et Van Pelt, qui étaient rentrés derrière Lisbon, s’approchèrent d’elle et lui dirent avec douceur qu’il valait mieux qu’elle rentre chez elle se reposer. Lisbon commença par protester, arguant que Jane pouvait se réveiller, qu’elle ne voulait pas le laisser là, dans cet état, tout seul toute la nuit. Cho la rassura en lui disant qu’il allait rester veiller Jane et que s’il arrivait quoi que ce soit, il la préviendrait aussitôt.
Exténuée, Lisbon capitula et rentra chez elle avec l’espoir que le lendemain matin serait meilleur. Depuis, elle ne cessait de ruminer, convaincue de sa culpabilité dans cet accident, convaincue que si elle ne s’était pas disputée avec Jane, il ne serait pas sorti pour la rattraper et qu’il n’aurait pas eu cet accident. Elle pleura longtemps en pensant qu’il pouvait ne pas se réveiller, mais essaya de chasser ces sombres idées en affirmant que c’était un homme fort, qui ne se laisserait pas abattre. Un homme fort ? Ma pauvre Teresa, ce n’est qu’un homme rongé par la culpabilité et le chagrin, un homme à qui on a tout pris, et qui accueillerait la mort avec soulagement. Non, elle était sûre qu’il ne voudrait pas mourir avant d’avoir tué l’assassin de sa famille. Et pour la première fois de sa vie, Lisbon pria pour que la haine que Jane vouait à Red John soit assez forte pour le convaincre de s’accrocher à la vie.
Epuisée, à bouts de nerfs, Lisbon décida qu’il serait tout de même bon qu’elle dorme un peu, c’est pourquoi elle éteignit son portable et prit un somnifère qui la fit plonger presque instantanément dans les bras de Morphée.

Coma : la mort comme si vous y étiez.
Serge Mirjean

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La vie est un rêve dont la mort nous réveille.
Hodjviri

Lisbon se réveilla le lendemain matin, assommée et la bouche pâteuse. Un saut sous la douche lui permit de réparer ça, et elle alluma son portable en préparant son café et vit presque instantanément que Cho lui avait laissé un nombre gigantesque de messages. Son cœur se serra d’inquiétude ; c’était Cho qui s’était proposé de rester veiller sur Jane cette nuit. Mon Dieu, faites qu’il ne soit pas mort, je vous en supplie. Le cœur toujours étreint d’angoisse, elle rappela l’asiatique qui décrocha instantanément et qui ne lui laissa pas le temps d’en placer une : « Boss, faut que vous veniez voir Jane, tout de suite ». Renonçant à son café, elle prit sa veste, ses clefs et faisant fi des réglementations de vitesse, elle outrepassa ses droits de flic et allumant la sirène, elle fonça à l’hôpital. Le véhicule à peine arrêté, elle en surgit comme un diable hors de sa boîte et se précipita vers la chambre de Jane. Elle s’étonna de ne pas voir Cho mais ne s’arrêta pas et rentra en coup de vent dans la pièce. Elle s’arrêta aussitôt, stupéfaite. Jane avait tourné la tête vers elle et la fixait de ses si beaux yeux bleus. Et dire que les médecins pensaient qu’il ne passerait peut-être pas la nuit …
Elle s’approcha lentement du lit de Jane, comme si elle pensait que c’était un mirage et que s’en approcher trop vite le briserait. Elle lui prit la main en balbutiant un « Je suis désolée, tout est de ma faute, si j’avais su … Oh mon Dieu, si tu savais comme je m’en veux ! ». Jane prit sa main entre les deux siennes et la regardant bien en face, il lui demanda lentement « Qui êtes-vous ? »

On n'oublie rien de ce qu'on veut oublier : c'est le reste qu'on oublie.
Boris Vian

L’oubli n’est pas l’amnésie. L’oubli est un refus du retour du bloc du passé sur l’âme.
Pascal Quignard

Lisbon se recula comme si on l’avait giflée. Elle sortit de la chambre et s’adossa au battant en retenant à grand peine un sanglot, laissant Jane perdu dans ses pensées. Elle vit Cho s’approcher, un café à la main. Il s’adossa au mur à côté d’elle :

- Vous non plus, il ne vous a pas reconnue ?

Elle secoua la tête négativement, tout en essayant de faire passer la boule qu’elle sentait se former dans sa gorge.

- Je suis désolé Patron, je ne voulais pas que vous l’appreniez comme ça. Mais juste au moment où je partais me chercher un café pour digérer le coup, vous déboulez comme une furie …

Lisbon inspira à fond, comme pour se donner du courage et elle demanda :

- Qu’est-ce qui s’est passé au juste ?

- Et bien, peu avant minuit, il a fait un arrêt cardiaque, mais les médecins ont réussi à le ranimer, et deux heures plus tard, il s’est réveillé. Les médecins n’en croyaient pas leurs yeux, ils venaient à peine de le ramener des frontières de la mort que déjà il ouvrait les yeux. Mais ils ont vite déchanté quand ils se sont aperçu qu’il n’avait aucun souvenir. Il a conservé ce que les médecins appellent la mémoire procédurale, c’est-à-dire qu’il sait encore lire, écrire, conduire, et il semblerait qu’il ait conservé aussi ses talents d’observation … mais il n’a plus aucun souvenir personnel, il ne se rappelle même pas son nom !

- Mais c’est pas possible ?!?! Il doit bien y avoir un moyen pour qu’il revienne dans son état normal, j’en sais rien moi, le replonger dans le coma par exemple ?

- Les médecins disent qu’il faut lui laisser du temps, et qu’il faut l’accompagner dans des lieux qui lui sont familiers. Il paraît qu’il suffit d’un déclic pour que tout revienne …

Lisbon soupira. Dans quelle merde il s’est encore fourré …

POV Jane : Qui est-ce ?? Bon Dieu, je ne me rappelle de rien, même pas de mon nom. Et cette femme qui déboule en un coup de vent … Je crois que je la connais mais rien ne me revient. Elle a eu l’air de me connaître et de s’en vouloir. Mais pourquoi ?? On m’a dit qu’un homme m’avait renversé en voiture, donc cet accident, ce n’est pas sa faute … Sauf si c’est ma femme et qu’on s’est disputés avant l’accident… Mais non elle n’a pas d’alliance ! Bon sang, qui est-ce ?? Et qui suis-je ??

Il n'existe pas de bonheur complet sans amnésie partielle.
Philippe Bouvard