Black thoughts

FBI, Washington DC, bureau des affaires classées…

-Je te répète que c’est physiquement impossible !

-Rends-toi à l’évidence Scully, tu es incapable de trouver une explication logique à ces disparitions !

-Peut-être… pour le moment ! mais ce qui est sûr c’est que les gens ne peuvent pas s’évaporer de cette façon. Quelque chose nous a échappé.

-Ou alors j’ai raison !

L’assurance de son collègue dans ces situations avait le don d’exaspérer l’agent Scully. Elle était certaine de ce qu’elle avançait. Elle était une scientifique, elle se basait sur les faits !

Alors pourquoi avait-elle ce sentiment étrange, ce doute dans son esprit si cartésien…

-Admettons, j’ai bien dit admettons, ce n’est qu’une pure hypothèse, admettons donc que tu aies raison… Où sont ces gens maintenant ? 9 personnes enlevées, où peuvent-elles être ? Sur une autre planète ?

-Ha, ha, très drôle. Et toi ? Où es-tu allée quand tu as disparu ?

Mulder avait touché le point sensible. Ce point qui faisait qu’aujourd’hui, malgré elle, sa logique et ses vérités se heurtaient à un obstacle invisible lors de leurs enquêtes à la limite du réel…
Ce qu’elle appelait le réel, quand elle est entrée pour la première fois dans ce bureau, n’avait plus rien à voir avec ce qu’elle en savait ou croyait savoir aujourd’hui, la frontière s’était déplacée.

Où était-elle durant les 3 mois de sa vie ou elle avait disparu ? Enlevée par des extra-terrestres ? Elle l’avait presque cru. Mais il y avait une autre raison, c’est sûr ! Forcément une autre raison ! Comme pour ces 9 personnes volatilisées… Il fallait qu’elle les retrouve. Elle avait besoin de réponses…

Elle reprit le dossier et relut les témoignages. Il y avait celui de ce garçon qui jouait dans les collines et qui avait vu une jeune fille disparaître dans une lumière blanche. Cela concordait avec les autres enlèvements.

Il fallait qu’ils aillent voir sur place. Il y avait sûrement des traces…

Il y avait aussi un autre point commun, toutes ses personnes avaient une particularité. La dernière disparue avait soit disant des dons de télépathie, il y avait ce prêtre qui était convaincu de réaliser des miracles et qui avait disparu sans laisser de traces, ce petit garçon dont la mère affirmait qu’il lisait dans les pensées…

Le téléphone sonna. Le directeur adjoint Skinner voulait les voir dans son bureau, immédiatement !

à suivre

Par le hublot du MD-83 d’American Airlines L’agent Teresa Lisbon apercevait les lumières de Washington à l’horizon. Ils arrivaient enfin! Elle se retourna vers le passager assis à sa droite pour constater qu’il dormait encore profondément, un bandeau noir sur les yeux. Elle se remémora la dernière fois où elle l’avait vu les yeux bandés lorsqu’il avait été victime d’une explosion qui avait failli lui faire perdre la vue et aussi la vie. Malgré la chaleur qui régnait dans l’avion elle frissonna. Ce consultant cynique et arrogant, ce « Monsieur Je sais tout » qui la faisait bien souvent sortir de ses gonds semblait à présent calme et fragile. Il a l’air d’un petit garçon, pensa-t-elle, attendrie.

Hum, Lisbon ? bougonna Patrick Jane. J’ai un bouton sur le nez ou quoi ? Pourquoi tu me regardes comme ça ?

Lisbon sentit ses joues s’empourprer et elle se retourna, soudain très absorbée par le paysage qui se déroulait par le hublot.
Elle ne vit pas le sourire radieux et taquin de Jane illuminer son visage, tout heureux qu’il était d’avoir encore joué un tour à sa partenaire. Il ne s’en lassait pas !

-On arrive dit-elle sèchement.

Jane ôta son bandeau en baillant et s’étira comme un chat, manquant de donner un coup de coude aux deux passagers qui l’entouraient.

-ça tombe bien j’ai faim ! rétorqua-t-il.

-Tu ne trouve pas étrange quand même que Minelli ait autant insisté pour que nous allions à Washington travailler avec le FBI ?

-Il doit avoir ses raisons.

-Il avait l’air inquiet. Je suis sûre que l’homme qui l’a appelé hier y est pour quelque chose.

-Il n’a pas dit son nom ?

-Je ne crois pas. Il a simplement dit qu’il n’aurait pas cru que ce type soit encore en vie étant donné sa consommation de cigarettes, ou un truc comme ça… Il a parlé d’une dette qu’on ne peut pas effacer…Je pense que cet homme lui a demandé un service qu’il ne pouvait pas refuser.

-Hum, possible…

-Quoi hum ? Tu sais quelque chose ?

-Hum ? Non rien. J’ai juste dit hum comme ça, comme j’aurais dit…

L’annonce du pilote interrompit leur conversation. Ils allaient atterrir.

Jane s’empressa de boucler sa ceinture. Lisbon lui lança un regard moqueur. Il était froussard tout de même !

à suivre...

Bureau du directeur adjoint Skinner

-Ah ! Voici les agents Fox Mulder et Dana Scully indiqua Walter Skinner aux deux personnes présentes dans son bureau.

Mulder, Scully, je vous présente les agents Lisbon et Jane du Bureau Californien d’Investigation.

Patrick Jane esquissa un geste pour corriger les paroles du directeur adjoint mais Lisbon le devança :

-Patrick Jane n’est pas un agent du CBI. C’est un consultant. Il participe aux enquêtes.

Mulder examina avec attention les deux personnes qui se tenaient devant lui.
La petite brunette lui inspira immédiatement confiance avec son regard franc. Et c’était plutôt inhabituel chez lui ! Par contre, il ne pouvait pas en dire autant du type qui se tenait près d’elle… sans trop savoir pourquoi il avait à son égard un sentiment de méfiance, comme si le sourire qui éclairait son visage n’était qu’une façade. Un sourire d’arnaqueur pensa-t-il…

Skinner les invita tous à s’assoir.

-Agent Mulder ces… personnes du CBI sont ici pour travailler avec vous et l’agent Scully sur l’enquête en cours.

Fox Mulder ouvrit la bouche pour protester mais Skinner ne lui en laissa pas le temps.

-Ne me demandez pas qui a pris cette décision, sachez que ce n’est pas moi. Le directeur nous a imposé cette collaboration. Et l’ordre vient de plus haut, croyez-moi…

-Directeur adjoint, commença Scully, nous sommes sur cette enquête depuis un mois maintenant et nous allons très certainement toucher au but. Je ne vois pas ce que ces agents du CBI peuvent nous apporter...

-Ecoutez agent Scully, peu importent vos états d’âme, le chef du CBI a reçu une demande pour que son… consultant soit mis à notre disposition. De notre côté le directeur du FBI m’ordonne d’accueillir ces agents. A priori cette enquête touche de près quelqu’un qui a le pouvoir de déplacer les montagnes…

Mulder se tourna vers Patrick Jane :

-Vous êtes qui au juste pour qu’on vous demande d’intervenir ici ?

Jane fit une petite grimace comme pour signifier qu’il n’était pas plus responsable que lui de ce qui se passait.

-Nous travaillons sur tout un tas d’affaires, intervint Teresa Lisbon mais pourquoi celle-ci précisément nous ne le savons pas plus que vous ! Notre boss, Virgil Minelli m’a demandé d’accompagner Patrick Jane dans cette mission. Une personne lui a demandé de le faire. Et il a obéit ! Cela me surprend également mais nous sommes là pour obéir aux ordres !

-Oui, surtout elle en fait ! ajouta Jane.

-Ecoutez, fit Skinner agacé, vous êtes tous ici sous mes ordres. Alors vous allez tous bien gentiment me ranger votre ego au vestiaire et travailler ensemble.

Agent Mulder vous poursuivez votre enquête avec ces deux agents. Vous pouvez y aller.

-Monsieur, commença Scully…

-J’ai dit vous pouvez y aller !

Ils se retrouvèrent tous les quatre devant le bureau du directeur adjoint à se regarder en chiens de faïence.

Ce fut Dana Scully qui rompit le silence en premier.

-Nous devons aller sur le terrain pour vérifier un témoignage fit-elle en appelant l’ascenseur. Vous venez avec nous et nous vous donnerons les détails en route.

-Après vous, fit Mulder à Patrick Jane en le fixant avec insistance.

Jane fit un petit sourire et, les mains dans les poches de sa veste, s’engouffra dans l’ascenseur.

La porte s’ouvrit sur le parking souterrain du FBI et ils se dirigèrent vers la voiture de Mulder, une Ford qui aurait bien eu besoin d’un petit rafraîchissement pensa Jane en s’installant du côté passager.
Scully resta interdite ne sachant si elle devait remettre ce type à sa place, c'est-à-dire derrière !

-Oh ! S’excusa le consultant du CBI, je ne supporte pas d’être à l’arrière, donc si je ne conduis pas il vaut mieux pour tout le monde que je sois devant. Et comme je ne pense pas que votre collègue voudra me prêter le volant… dit-il dans un sourire désarmant.

Scully ne sut que répondre. Elle sourit timidement à son tour et regarda son partenaire qui leva les yeux au ciel et s’installa au volant.

Lisbon pris place à côté de Scully en se demandant ce que préparait son imprévisible collègue. Il n’était pas malade à l’arrière des voitures… visiblement, il avait décidé de pousser à bout l’agent Mulder. Et il était très doué pour ça…

La voiture refusa tout d’abord de démarrer, ce qui eu pour effet d’ajouter de l’eau au moulin de Jane, puis, quelques hoquets et jurons plus tard elle s’élança dans un nuage de fumée.

-Et voilà ! Conclut Patrick Jane en faisant semblant de ne pas remarquer le regard noir que lui lançait Fox Mulder.

Ils arrivèrent enfin sur le lieu de la dernière disparition. L’endroit était désert. Quelques buissons essayaient de se frayer un passage entre les gros rochers qui semblaient avoir été posés là par hasard. Tout autour de ce monticule rocheux, le paysage était comme figé, seulement animé par les petits nuages de poussière que le vent soulevait négligemment.
Mulder, visiblement agacé, gara péniblement sa Ford toute fumante sur le bord de la route sous le regard mi-compatissant mi-moqueur de Scully. Elle pensa que décidément cette journée s’annonçait très, très longue… surtout s’ils devaient rentrer à pied…
Jane se retourna fièrement vers Lisbon, un grand sourire aux lèvres: « tu vois, je l’ai toujours dit, les voitures américaines ne sont plus ce qu’elles étaient. Au-delà de 250000 km elles n’en peuvent plus… ». Il jeta un regard au propriétaire du véhicule pour vérifier que sa remarque avait visé juste. Il l’avait pourtant prévenu…

Le silence qui régnait déjà dans l’habitacle se fit encore plus pesant contrastant avec le ton guilleret des propos de Jane. Celui-ci cru déceler un petit sourire sur le bord des lèvres de l’agent Scully. Décidément, Dana Scully semblait avoir davantage d’humour que son partenaire qui n’avait pas décroché la mâchoire depuis leur départ. Mulder, ignorant superbement l’énergumène assis à côté de lui, sortit de la voiture, claqua violemment sa portière et se mit immédiatement en marche sans attendre ses coéquipiers suivi par Scully et Lisbon qui en passant près du consultant le fusilla du regard. Jane les regarda s’éloigner l’air satisfait puis se sentant un peu seul tout d’un coup, il pressa légèrement le pas pour les rejoindre affichant toujours son plus beau sourire.

Après quelques dizaines de mètres parcourus quasiment au pas de course, Mulder se retourna vers un Patrick Jane visiblement essoufflé qui tentait de faire bonne figure.

-Mulder : Je vous ai déjà vu quelque part non ?

Jane, avec un haussement d’épaules, ne répondit pas.

-Scully : je l’ai vu à la télé il y a quelques années, c’était un médium connu, enfin je crois ! Ma sœur…-un voile de tristesse passa rapidement devant ses yeux- ma sœur le regardait très souvent elle le trouvait… surprenant.

-Mulder : oh ! Je vois (pensif). Vous communiquez avec les personnes qui ont disparu c’est ça ?

Lisbon observa furtivement Jane. Ils connaissaient vaguement l’histoire de Mulder. Allez savoir comment il était au courant, Minelli leur en avait touché deux mots avant leur départ, comme s’il craignait une gaffe de leur part… Enfin, de Jane surtout.

Le ton de Mulder intrigua Jane, il n’était pas vraiment moqueur comme il l’aurait cru. Il semblait même plutôt intéressé… Pourtant, il répondit brutalement :

-Non. Les médiums sont des charlatans.

Mulder s’arrêta net et ils se regardèrent un moment dans les yeux puis reprirent leur marche sans échanger un mot.

Ils arrivèrent enfin à ce qui leur semblait être l’endroit décrit par leur jeune témoin. Les pierres étaient en effet disposées en une sorte de cercle fermé autour d’une pierre plate qui devait mesurer à peu près deux mètres.

Ils se dispersèrent, à la recherche d’indices leur permettant de savoir si la dernière jeune femme était bien venue ici et avec qui.

-Ne touchez à rien surtout, lança Scully au consultant, qui lui répondit d’un petit signe de la main.
-Ne vous en faites pas, la rassura Lisbon, je le surveille !…comme d’habitude pensa-t-elle en soupirant.
-Scully ! Appela Mulder, viens voir ça !

L’agent du FBI était accroupi et tenait dans sa main un petit objet métallique de la taille d’un stylo.
Le téléphone portable de Lisbon sonna. C’était le bureau. Certainement Van Pelt qui avait trouvé les informations qu’elle avait demandées le matin. Elle s’éloigna un peu pour parler sans être entendue.

Pendant ce temps Jane s’était approché de la grande pierre couchée sur laquelle il avait cru voir quelques traces de sang. Effectivement, il y avait bien quelques gouttes d’un liquide sombre sur le rebord de la pierre. Il s’avança afin de confirmer ses soupçons mais ce n’était pas du sang cela ressemblait plutôt à des gouttes de peinture noire ou même du pétrole. Il se penchait pour renifler les gouttes quand il se figea soudain. Le liquide visqueux semblait bouger et se diriger vers lui !

- Hey ! Ho ! fit Patrick Jane en se reculant surpris. Ce truc la a bougé!

Il se retourna pour appeler ses collègues mais il ne vit pas les gouttes de liquide noir remonter le long de sa jambe et se glisser sous ses vêtements…

Scully releva la tête : qu’est ce qu’il y a ?

Jane ne répondit pas, il se sentait soudain très bizarre et aucun son ne sortit de ses lèvres, il eut le sentiment de suffoquer. Il porta la main à sa poitrine et se fut le dernier geste dont il eut conscience.
Un voile noir passa discrètement sur ses yeux…

Puis il releva la tête et sourit à Scully : non rien ! Tout va bien !

Ils continuèrent à inspecter minutieusement les lieux pendant plusieurs minutes. Patrick Jane restait étonnement silencieux. Il semblait perdu, toujours planté devant cette grosse pierre.

Lisbon s’approcha :

- Jane ? Est-ce que ça va ?

- Hum ? ah, heu…oui ça va. Je réfléchissais…

Elle leva les yeux, mi-étonnée mi-inquiète : réfléchir en silence, cela ne lui ressemblait pas…

Bah, il faut avouer que s’est plus reposant pour une fois, pensa-t-elle.

- Allez venez on rentre ! Les appela Mulder en se dirigeant vers la voiture.

- On y va dit Lisbon à Jane.

- Oui, on y va répéta-il d’une voit monocorde.

Lisbon fixa son collègue, quelque chose la dérangeait mais elle ne pouvait pas dire quoi. Pour la première fois depuis qu'elle le connaissait elle vit le regard de Jane se dérober.

Un sentiment étrange l’envahit, comme de la peur, de la panique même. Elle leva la main pour toucher le bras de Jane mais il s’écarta.

- ça va dit-il, presque méchamment. J’ai dit que j’allais bien.

- Ok, comme tu veux. Partons.

Ils rejoignirent la voiture.

Mulder ne les connaissait que depuis quelques heures mais il vit immédiatement que l’attitude des agents du CBI avait changé.
Peut-être s’était-ils simplement disputés. Après tout il ne savait pas quelles étaient leurs relations…

En passant près de lui, l’agent Lisbon lui lança un regard inquiet.

- Quelque chose ne va pas agent Lisbon ? demanda Fox Mulder.

- Non, je… enfin… si..., vous avez trouvé des indices ?

Mulder fouilla dans la poche de sa veste et en sortit l’objet qu’il avait ramassé quelques minutes plus tôt.

- Un stylo ? fit Lisbon étonnée.

- Ce n’est pas un stylo, agent Lisbon…

Mulder actionna un mécanisme invisible et une pointe effilée sortit soudain du manche métallique…

Lisbon recula surprise mais elle le fut encore plus par l’attitude de Jane à ce moment là : il avait reculé de trois pas et fixait l’objet comme s’il s’agissait d’un fantôme. Il était blême.

- Que se passe-t-il monsieur Jane ? demanda Mulder.

Jane regardait le stylet comme hypnotisé.

- Jane ? Vous êtes avec nous ?

Sans répondre Patrick Jane recula jusqu’à la voiture et monta à l’arrière. Les trois autres se regardèrent interloqués.
Le visage de Mulder s'assombrit et, sans explication, il repartit vers les pierres.

-Restez là ! Je reviens !

Au bout d’un moment, ils virent Mulder revenir. Visiblement quelque chose le préoccupait.

Ils montèrent en voiture et le trajet du retour se passa sans qu’aucun des occupants ne prononce un mot.

Même le si bavard consultant du CBI ne dit rien, pensa Scully. Elle se demandait ce qui se passait et elle n’était pas la seule. Lisbon cherchait désespérément dans sa tête une raison à l’attitude si étrange de Jane.

Seul Mulder avait un air déterminé comme s’il avait compris quelque chose. Il conduisit tout le long en observant Patrick Jane dans le rétroviseur.

Hôpital Georges Washington – Quartier sécurisé

Les beaux yeux verts de l’agent Lisbon étaient noyés par les larmes qu’elle ne parvenait plus à refreiner : Patrick Jane était étendu, là, ligoté comme un aliéné sur son lit d’hôpital…

Les calmants que lui administraient le personnel soignant n’avaient aucun effet et tout ce qu’ils pouvaient essayer n’était d’aucun secours.

Elle se sentait si inutile ! Allait-elle le regarder mourir sous ses yeux, dévoré de l’intérieur par cette chose qui était maintenant prisonnière et qui essayait par tous les moyens de se libérer de ce corps devenu inutile ?

Elle sursauta. Patrick venait d’ouvrir les yeux. Mais ce n’était pas vraiment lui qui la regardait. Elle vit passer ce voile noir devant les pupilles bleues de son partenaire. Une immense tristesse l’envahit…
Soudain les traits de Jane se figèrent, il poussa un hurlement à glacer le sang dans les veines et commença à se secouer dans tous les sens pour se libérer de ses liens. Il paraissait enragé.
Au bout de quelques secondes qui parurent interminables, il se calma puis prenant conscience de sa présence, tourna la tête vers Teresa Lisbon. Il lui sourit. Mais ce sourire n’avait rien à voir avec celui plein de charme qu’il affichait habituellement. C’était un sourire froid, calculé.

- Aide-moi, Teresa implora-t-il.

Lisbon s’approcha, elle n’aurait souhaité qu’une chose, pouvoir le soulager ! Elle mourait d’envie de lui prendre la main, de lui caresser les cheveux doucement comme on calme un enfant qui vient de faire un mauvais rêve.

Jane repris alors son visage habituel mais la peur et la douleur pouvaient se lire dans ses yeux, de la sueur perlait sur son front. Il la regarda comme s’il avait momentanément repris le dessus sur le mal qui le rongeait.

- S’il te plait, ne t’approche pas ! Quoi que je fasse, ne t’approche pas !

Lisbon recula d’un pas.

-D’accord, comme tu voudras. Comment te sens-tu ?

-Je ne sais pas. Je ne contrôle plus rien et…

Il se crispa soudain comme si une décharge électrique venait de le parcourir. Lisbon se mordit les lèvres pour ne pas pleurer à nouveau.

Jane reprit son souffle et murmura :

-Ecoute, l’agent Mulder a sans doute raison…

-Attends, il est parti chercher ce qu’il te faut. Il n’est peut-être pas sûr d’y parvenir mais il va tout faire pour ça. Tu peux lui faire confiance. Il est passé par là lui aussi et il s’en est sorti…

-Peut-être… mais s’il ne réussit pas, promets moi de ne pas laisser cette chose sortir ou se transformer en moi. Il faudra faire ce que Mulder à dit… avec le stylet… tu comprends ?

Non, elle ne comprenait pas… Elle ne voulait pas comprendre !

Le voile noir troubla à nouveau le regard de Jane. Il serra les points, comme pour combattre l’ennemi invisible qui avait pris possession de son corps et de son esprit. Il se mit à crier de douleur et à prononcer des mots incompréhensibles…

Lisbon, mis sa main sur son visage pour ne pas éclater en sanglots et sortit en courant de la pièce.

Teresa Lisbon était assise livide dans la salle d’attente de l’hôpital. Elle pensait sans arrêt à tout ce qui s’était passé depuis qu’ils étaient revenus et que Mulder lui avait expliqué sa théorie quant au comportement étrange de son partenaire.

Dès leur arrivée au FBI, Jane était sorti de la voiture presque avant son arrêt et était parti droit devant lui dans la rue. L’agent Mulder l’avait appelé en vain puis l’avait rattrapé. Au moment où il lui attrapait le bras, Jane s’était brusquement retourné et lui avait donné un violent coup de poing sous le regard stupéfait de Lisbon et Scully.
Mulder à terre, Dana Scully avait sorti son arme et donné l’ordre au consultant de se mettre à genou, les mains sur la tête. Avec un sourire narquois, ce dernier avait obéi.
Teresa Lisbon assistait à la scène comme dans un rêve, elle aurait juré à ce moment là voir passer une ombre dans le regard de son collègue.

Ensuite, tout était allé très vite, Mulder avait ordonné d’isoler Patrick Jane dans une cellule spéciale à l’hôpital de la ville…

Et voilà, elle se retrouvait là, sans pouvoir remettre de l’ordre dans son esprit, obnubilée par une seule pensée : il allait mourir.
Elle ne pouvait rien y faire. Encore… Les images de l’agent Bosco sur son lit d’hôpital défilèrent dans sa tête. Les larmes coulaient sur son visage sans qu’elle y prête attention. Il lui avait dit qu’il l’aimait…
Elle ressentit soudain le besoin de parler à Jane. Elle se leva et se dirigea vers la vitre derrière laquelle son partenaire était à présent paisible. Elle effleura le verre de ses doigts comme pour caresser doucement le visage de Jane.

Elle s’abandonnait à ses rêves lorsqu’une main sur son épaule la fit revenir à la réalité. Elle se retourna vers Fox Mulder qui la regardait avec compassion.

- Comment ça va agent Lisbon ?
- Vous avez trouvé ?

Mulder senti le désespoir dans la voix de la femme en face de lui. Il devinait que Patrick Jane était davantage pour elle qu’un simple collègue.

- J’ai un contact dans une demi-heure.

Lisbon leva les yeux vers l’agent du FBI. Un gros hématome l’empêchait presque de garder son œil ouvert… Elle n’avait jamais vu Jane frapper quelqu’un mais là il n’y était pas allé de main morte!

- Je viens avec vous.
- Non agent Lisbon. Il n’en est pas question. Mon contact est du genre méfiant. Il sort rarement de son trou… Il me restera à le convaincre de me donner ce que je veux.

Lisbon se remit alors dans sa position précédente, le regard perdu. Mulder resta quelques instants derrière elle à les regarder puis s’éclipsa discrètement. Lisbon se retourna alors :

- Agent Mulder…
- Hum ?
- Soyez prudent !

Il lui fit un petit sourire qui se voulait rassurant puis tourna les talons et disparut dans le couloir.

Elle entendit des chuchotements autour d’elle. Elle avait du mal à les identifier, elle ne voyait pas qui parlait. Il lui sembla entendre la voix de son père qui disait que ce n’était pas grave et elle reconnut celle de Sam Bosco qui ajoutait « de toutes façons il est mort ». Puis elle le vit, à moitié recouvert d’un drap blanc, ses cheveux blonds éparpillés sur l’oreiller et ses yeux irrémédiablement fermés… Un sourire semblait encore flotter sur ses lèvres. C’était trop tard, elle s’approchait de lui mais ses jambes ne voulaient pas la porter. Un sentiment de vide immense lui donnait le vertige. Au prix d’un énorme effort elle parvint jusqu’au lit ou reposait Patrick Jane. Il semblait dormir, serein. Un flot d’émotions l’envahit soudain. Non ! ça ne pouvait pas se passer ainsi. Elle avait besoin de lui ! Il résout les affaires ! s’exclamait une petite voix dans sa tête. C’est absurde ! Il faut qu’il reste avec moi… Je l’aime!
Elle approcha son visage du sien. Même mort elle le trouvait si beau… Adieu Jane, elle déposa un baiser d’une douceur infinie sur ses lèvres et…


- Agent Lisbon ? Agent Lisbon ! Vous m’entendez ?

- Hein ? Quoi ?

- Je suis désolée de vous réveiller continua Dana Scully mais Mulder vient d’arriver. Il a le vaccin…

Elle se mit instantanément debout et regarda autour d’elle l’air effaré. Elle passa la main dans ses cheveux essayant de reprendre ses esprits.

- Oui, le vaccin… Oh, mon Dieu il a réussi…

- Venez, les médecins vont le lui administrer mais rien n’est sûr…

Elle couru jusqu’à la chambre de Jane et s’arrêta net à la porte. Le médecin venait de finir l’injection. Fox Mulder vint vers elle, lui prit doucement le bras et la fit reculer.

- Venez, il vaut mieux ne pas rester là jusqu’à ce que le vaccin ait agit. Ce ne sera pas long. Quelques minutes…

Ce furent les minutes les plus longues de la vie de Teresa Lisbon.

Quand le docteur sortit de la chambre, la frêle enquêtrice du CBI sentit son cœur s’arrêter.

Le médecin regarda Mulder et hocha lentement la tête, simplement. Mulder se retourna vers elle et l’invita à entrer dans la chambre.

Lisbon s’avança timidement. Elle n’osait pas franchir le seuil de peur d’être encore en train de rêver.

Elle fit quelques pas, et son regard rencontra immédiatement deux saphirs bleus, deux océans dans lesquels elle aurait eu envie de se noyer.

Jane était là, il la regardait, un petit sourire fatigué sur les lèvres. Il était vivant. Elle avait envie de rire et de pleurer en même temps. Il fit un petit geste de la main qui l’invitait près de lui.

- Hey, Lisbon! Ça va ? Tu as l’air épuisée!

- …

Elle ne sut quoi répondre. Avait-elle bien senti comme un air amusé dans le ton du consultant ? Elle commençait déjà à bouillir intérieurement ! Il avait du culot, il ne savait pas ce qu’elle avait enduré et…

- Assieds-toi Teresa. Reprit-il d’un ton plus grave cette fois.

Il fit un signe de la tête à l’agent Mulder qui était resté en retrait. Ce dernier compris qu’il s’agissait d’un merci et hocha la tête à son tour. Puis il referma doucement la porte.

Teresa Lisbon s’assit sur le bord du lit, Jane lui prit la main et ils restèrent sans rien dire à regarder par la fenêtre le jour se lever.

Par le hublot du MD-83 d’American Airlines L’agent Teresa Lisbon apercevait les lumières de Washington à l’horizon. Ils arrivaient enfin! Elle se retourna vers le passager assis à sa droite pour constater qu’il dormait encore profondément, un bandeau noir sur les yeux. Elle se remémora la dernière fois où elle l’avait vu les yeux bandés lorsqu’il avait été victime d’une explosion qui avait failli lui faire perdre la vue et aussi la vie. Malgré la chaleur qui régnait dans l’avion elle frissonna. Ce consultant cynique et arrogant, ce « Monsieur Je sais tout » qui la faisait bien souvent sortir de ses gonds semblait à présent calme et fragile. Il a l’air d’un petit garçon, pensa-t-elle, attendrie.

Hum, Lisbon ? bougonna Patrick Jane. J’ai un bouton sur le nez ou quoi ? Pourquoi tu me regardes comme ça ?

Lisbon sentit ses joues s’empourprer et elle se retourna, soudain très absorbée par le paysage qui se déroulait par le hublot.
Elle ne vit pas le sourire radieux et taquin de Jane illuminer son visage, tout heureux qu’il était d’avoir encore joué un tour à sa partenaire. Il ne s’en lassait pas !

-On arrive dit-elle sèchement.

Jane ôta son bandeau en baillant et s’étira comme un chat, manquant de donner un coup de coude aux deux passagers qui l’entouraient.

-ça tombe bien j’ai faim ! rétorqua-t-il.

-Tu ne trouve pas étrange quand même que Minelli ait autant insisté pour que nous allions à Washington travailler avec le FBI ?

-Il doit avoir ses raisons.

-Il avait l’air inquiet. Je suis sûre que l’homme qui l’a appelé hier y est pour quelque chose.

-Il n’a pas dit son nom ?

-Je ne crois pas. Il a simplement dit qu’il n’aurait pas cru que ce type soit encore en vie étant donné sa consommation de cigarettes, ou un truc comme ça… Il a parlé d’une dette qu’on ne peut pas effacer…Je pense que cet homme lui a demandé un service qu’il ne pouvait pas refuser.

-Hum, possible…

-Quoi hum ? Tu sais quelque chose ?

-Hum ? Non rien. J’ai juste dit hum comme ça, comme j’aurais dit…

L’annonce du pilote interrompit leur conversation. Ils allaient atterrir.

Jane s’empressa de boucler sa ceinture. Lisbon lui lança un regard moqueur. Il était froussard tout de même !

A suivre...

FBI, Washington DC, bureau des affaires classées…

-Je te répète que c’est physiquement impossible !

-Rends-toi à l’évidence Scully, tu es incapable de trouver une explication logique à ces disparitions !

-Peut-être… pour le moment ! mais ce qui est sûr c’est que les gens ne peuvent pas s’évaporer de cette façon. Quelque chose nous a échappé.

-Ou alors j’ai raison !

L’assurance de son collègue dans ces situations avait le don d’exaspérer l’agent Scully. Elle était certaine de ce qu’elle avançait. Elle était une scientifique, elle se basait sur les faits !

Alors pourquoi avait-elle se sentiment étrange, ce doute dans son esprit si cartésien…

-Admettons, j’ai bien dit admettons, ce n’est qu’une pure hypothèse, admettons donc que tu aies raison… Où sont ces gens maintenant ? 9 personnes enlevées, où peuvent-elles être ? Sur une autre planète ?

-Ha, ha, très drôle. Et toi ? Où es-tu allée quand tu as disparu ?

Mulder avait touché le point sensible. Ce point qui faisait qu’aujourd’hui, malgré elle, sa logique et ses vérités se heurtaient à un obstacle invisible lors de leurs enquêtes à la limite du réel…
Ce qu’elle appelait le réel, quand elle est entrée pour la première fois dans ce bureau, n’avait plus rien à voir avec ce qu’elle en savait ou croyait savoir aujourd’hui, la frontière s’était déplacée.

Où était-elle durant les 3 mois de sa vie ou elle avait disparu ? Enlevée par des extra-terrestres ? Elle l’avait presque cru. Mais il y avait une autre raison, c’est sûr ! Forcément une autre raison ! Comme pour ces 9 personnes volatilisées… Il fallait qu’elle les retrouve. Elle avait besoin de réponses…

Elle reprit le dossier et relut les témoignages. Il y avait celui de ce garçon qui jouait dans les collines et qui avait vu une jeune fille disparaître dans une lumière blanche. Cela concordait avec les autres enlèvements.

Il fallait qu’ils aillent voir sur place. Il y avait sûrement des traces…

Il y avait aussi un autre point commun, toutes ses personnes avaient une particularité. La dernière disparue avait soit disant des dons de télépathie, il y avait ce prêtre qui était convaincu de réaliser des miracles et qui avait disparu sans laisser de traces, ce petit garçon dont la mère affirmait qu’il lisait dans les pensées…

Le téléphone sonna. Le directeur adjoint Skinner voulait les voir dans son bureau, immédiatement !