729 jours (Spoilers saison 6) ^

 

Chapitre 16 : Heaven

" Je n’ai pas de pouls ! … Depuis combien de temps faites-vous le massage cardiaque ?
- Cinq minutes maxi…
- Très bien. On charge à 200 !
- …
- On dégage !
- …
- Toujours rien…
- On réessaye, chargez ! …  On dégage !
- …
- On a un pouls !! Et une respiration. Faible, mais on en a une !
- Très bien. On l’embarque ! "


Tout était noir. Son corps flottait dans un no man’s land sombre et ténébreux. Son esprit refusait de se fixer sur quoi que ce soit à part sur la détonation qui résonnait encore à ses oreilles. Ou les détonations… Comment savoir ? Il s’agissait peut-être du fruit de son imagination. Les périodes de semi conscience et de vide se succédaient sans fin. Pourtant, petit à petit, une lueur sembla émerger. Son corps était allongé. Il reposait sur une surface molle et chaude ; c’était confortable. Ce qui l’était moins, c’était cette coque qui lui couvrait le visage ; l’élastique qui la maintenait en place lui sciait les pommettes. Sa main gauche voulut se soulever pour ôter le masque mais elle refusait de bouger. Ses souvenirs lui revinrent d’un coup. Elle était toujours prisonnière de Warren ! Elle était toujours dans cette pièce, la main gauche immobilisée par le lien de cuir ! Jane avait échoué. Il était mort. Et elle allait mourir aussi… Son rythme cardiaque s’accéléra sous l’effet de la peur. Elle tenta de faire le vide dans son esprit pour se calmer : quelque chose clochait. Un détail… Pourquoi avait-elle un masque à oxygène si elle était toujours dans cette maudite pièce ? Elle essaya d’ouvrir les yeux mais la lumière aveuglante lui brûla les pupilles : elle les referma aussitôt. Elle leva le bras droit et tâtonna vers son poignet pour essayer de défaire le bracelet de cuir. Avant qu’ils n’atteignent leur but, ses doigts heurtèrent une masse soyeuse. Elle s’immobilisa, stoppant sa progression, les doigts toujours entremêlés dans cette masse. Elle tourna légèrement la tête et entrouvrit les paupières, voulant se protéger de la lumière. Ses yeux firent la mise au point sur son propre bras, sur son poignet puis sur une abondante crinière blonde et ondulée dans laquelle disparaissait sa main. Elle sentit alors clairement les doigts de Jane mêlés aux siens, leur pression, la chaleur qu’ils dégageaient. Il avait posé sa joue sur leurs mains liées et semblait dormir. Un fin sourire étira le visage douloureux de la jeune femme. Elle expira lentement et caressa quelques secondes la tête de son ami : ils étaient vivants.
Elle était dans un lit mais dans un vrai hôpital cette fois. Les bruits et les odeurs caractéristiques du lieu ne mentaient pas. Le rose bonbon qui recouvrait les murs et qui ornait les draps était un signe de plus. Elle remua les pieds, heureuse de sentir ses chevilles libres de toute entrave. La couverture rêche de l’établissement lui semblait soyeuse et particulièrement douce étant donné les circonstances.
Elle sentit Jane remuer à ses côtés et tourna son regard vers lui. Elle retira la main de ses cheveux et ôta son masque à oxygène au moment où il reprenait conscience et ou il tournait la tête dans sa direction.

" Hey…
- Mon Dieu, Lisbon… Infirmière ! Elle est réveillée ! "

Jane avait bondi de son siège, avait lâché sa main, couru vers la porte, avait hurlé et était revenu à son chevet en quelques secondes. Il avait repris possession de ses doigts mais les lâchait déjà pour poser sa paume sur sa joue, puis sur son épaule et à nouveau sur sa joue. Ses gestes étaient complètement désordonnés et ne semblaient pas suivre de logique précise.

" Ok… On se calme Zorro… Je vais bien… " se moqua Lisbon en pressant tout de même son visage contre la main chaude de l’homme.
Jane s’affala sur son siège, laissa tomber sa tête sur sa poitrine et enfouit son visage dans ses mains, cachant ainsi ses traits décomposés aux yeux inquisiteurs de la jeune femme.

" Jane ?
- Lisbon, je… Teresa… Je suis tellement désolé…
- De quoi donc ? De m’avoir retrouvée ? De m’avoir sauvé la vie ? De m’avoir ramenée vivante ? Désolée mais je ne te suis pas…"

Jane releva les yeux vers son amie, le regard plus triste que jamais :
" Je ne t’ai pas sauvée. C’est Cho qui l’a fait… et Fisher. Sans eux, tu serais morte. Moi aussi… Ce n’est pas moi qui t’ai ramenée… "

Lisbon l’observait de ce regard confiant et bienveillant qu’elle lui réservait lorsqu'ils étaient seuls.

" Serais-tu assez gentil pour me raconter ? J’ai l’impression d’avoir une gueule de bois d’enfer et je ne me souviens de rien… A part du coup de feu…
- Les coups de feu. Il y en a eu deux… Après avoir assommé Warren, je me suis précipité vers toi. Il fallait que j’ôte cette chose de ton bras : la morphine allait te tuer, si ce n’était déjà fait. Mais tu étais toujours consciente. Tu m’as prévenu, tu m’as dit qu’il était debout. J’ai vraiment cru que c’était la fin… Il a tiré. Mais Cho venait d’arriver et a tiré une seconde avant lui. Le coup l’a déstabilisé et sa balle n’a fait que m’effleurer l’épaule. Il s’est écroulé. Tu as cessé de respirer. "

Jane marqua une pause, plongeant son regard dans celui de la jeune femme. Elle ne dit pas un mot, consciente de la peur qu’il avait pu ressentir. Elle se revit, quelques années plutôt, au bord d’un plan d’eau, Jane étendu au sol… Mais il reprenait déjà son récit, l’arrachant à ses souvenirs pénibles.

" Il n’est pas mort sur le coup. Il a marmonné une chose avant de mourir… Il a dit " Je ne suis pas le seul " et puis c’était fini. C’est Cho qui me l’a dit parce que moi… Moi, je ne voyais plus que ton corps sans vie… J’ai été incapable de réagir. Je tenais ta main et je te sentais partir. Je ne savais pas quoi faire. Fisher m’a poussé en me hurlant dessus et a commencé à essayer de te réanimer. Cho avait déjà appelé une ambulance. Kim n’a pas lâché, pas une seconde. Elle s’est occupée de toi pendant cinq bonnes minutes : une éternité pour moi. Les ambulanciers ont fini par entrer, par te choquer, deux fois, et tu es revenue. Ils t’ont amenée ici. Tu es là depuis presque vingt-quatre heures. Ils t’ont injecté du Naloxone pour annuler les effets de surdose de la morphine. Mais ils ne pouvaient rien faire pour le Propofol. Ils étaient incapables de dire quelle quantité d’anesthésiant Warren t’avait injecté. Tu risquais encore l’arrêt respiratoire. Ils nous ont dit qu’il fallait attendre et prier… Tu sais comme je suis doué pour ces deux choses –là…  continua-t-il en se grattant la tête en signe d’excuse.  Je me suis assis ici et je t’ai écouté respirer. Au début, ton souffle était lent, beaucoup trop lent. Six ou sept expirations par minute… Pourtant, à chaque mouvement de ta poitrine, je me disais que tu t’éloignais un peu plus des abysses. Et puis, tu as peu à peu repris des couleurs, ta respiration était moins rauque, tes inspirations plus profondes et rapides. Je suppose que c’est à moment-là que le sommeil a eu raison de moi…
- Et bien… Tu parles d’une aventure…" sourit la jeune femme pour tenter de détendre l’atmosphère.

Elle se redressa un peu dans son lit et hésita à poser la question qui lui brûlait pourtant les lèvres.
"Jane… C’était son fils, n’est-ce pas ? "

L’homme baissa à nouveau les yeux et acquiesça :
" Il voulait se venger. Il voulait me prendre tout ce qui compte pour moi comme je lui ai pris sa famille lorsque j’ai tué McAllister. Il voulait que je retourne en enfer et que tu ne sois pas là pour m’en sortir… Tout est de ma faute Teresa… Je suis vraiment désolé. "

Lisbon ne répondit rien. Elle tendit le bras vers le visage de Jane et lui releva la tête pour plonger son regard vert dans le sien.

" Ca suffit. C’est terminé et nous allons bien, tout les deux. Ca suffit Jane…
- J’ai quant même mal à l’épaule… J’ai un bout de chair arraché !" feignit-il en se tenant le bras et en souriant pour la première fois.

Lisbon rit franchement et lui asséna une tape sur l’épaule.
La porte de la chambre s’ouvrit laissant place au médecin, suivit d’une infirmière et d’un agent asiatique au visage fatigué.

" Alors Commissaire, on a décidé de tester de nouvelles expériences ? On essaye de se rapprocher de la populace en se droguant ?"  plaisanta le docteur tout en vérifiant les constantes de la jeune femme. "Et bien, vous êtes une coriace ! Vous êtes sortie d’affaire. Vous vous sentirez faible et aurez une bonne migraine pendant quelques jours mais vous avez évité le pire. Rose va vérifier cette vilaine plaie sur votre front, changer votre pansement et vous donner un antidouleur si vous le désirez. A part ça, il n’y a rien d’autre que je puisse faire pour vous. Reposez-vous et tout ira bien. " termina-t-il dans un sourire rassurant. Il remit le dossier de Lisbon à l’infirmière et quitta la pièce en saluant la cantonade une dernière fois.

" Très bien messieurs. Je vous laisse encore dix minutes et puis vous la laisserez. Elle a besoin de repos. Quant à vous…  continua l’infirmière en se tournant vers Jane et en pointant un index accusateur sur le torse de l’homme qui s’était levé pour reculer face à l’assaut du petit dragon : je ne veux plus vous voir ! Vingt-quatre heures que je supporte vos simagrées, que vous ne laissez personne approcher tant que vous n’êtes pas certain qu’elle va bien. Ca suffit ! Comme nous pouvons tous le constater, elle va BIEN. Et elle ira encore mieux si vous lui laissez un peu d’air. Dix minutes et je ne veux plus vous voir ! Clair ? ponctua la femme rondouillette et autoritaire, les poings fichés sur les hanches.
- Très clair. " ronchonna le mentaliste en glissant les mains dans ses poches.

Lisbon croisa le regard de Cho et perçut l’éclat de rire qui y scintillait. Elle du se détourner pour ne pas rire franchement.
Tandis que la petite infirmière sortait de la pièce en marmonnant, le visage de Teresa se fit plus sombre. Elle releva les yeux vers Cho.

" Merci. Merci Kimball… Remercie l’agent Fisher pour moi, veux-tu. Je le ferai moi-même dès que je le pourrai mais…
- Pas de problème Patron " sourit l’agent visiblement plus détendu qu’à son entrée dans la pièce.

Lisbon ne releva pas le terme utilisé par son ancien coéquipier : ce nom sonnait à ses oreilles comme une douce caresse d’un temps révolu et cela lui faisait du bien. Dans un dernier sourire, Cho se tourna vers le mentaliste.

" Jane…
- Je sais. Laisse-moi encore cinq minutes. Cinq petites minutes.
- Très bien. Je t’attends dehors… "

L’agent s’approcha de Lisbon et lui caressa affectueusement l’épaule d’une main :
" Prends soin de toi. Je te vois bientôt." puis, il tourna les talons et quitta la chambre, laissant son ancienne patronne et son ami seuls.

" Jane ? Que se passe-t-il ?
- J’ai quelques petits impératifs à respecter, soupira-t-il.
- Des impératifs ?
- Je suis accusé de meurtre Teresa. Et je suis coupable. Il est temps que j’assume ce que j’ai fait. Le FBI veut me voir… Ils veulent me proposer un arrangement…
- Et ?
- Et je vais tenter de trouver un terrain d’entente avec ces ours… Je ne veux plus fuir. Je veux être là, termina l’homme, décidé.
- Et bien… Je dois dire que… Je ne sais pas… Je suis étonnée… Impressionnée, même. Et fière. Je suis très fière de toi ! l’encouragea la jeune femme.
- Mouais, ne te réjouis pas trop vite, ce n’est pas encore gagné, tu me connais ! grimaça-t-il.
La jeune femme afficha un sourire bienveillant, un vrai sourire franc et sincère :
- Je te fais confiance. J’ai bien plus confiance en toi que toi-même.
- Et le médecin ose prétendre que tu vas bien et que tu as toute ta tête ? ironisa-t-il.
- Penses-tu réellement que j’avais déjà toutes mes facultés avant cet incident ? Je te rappelle que j’ai travaillé avec toi pendant dix ans… Ca laisse des traces…
- Touché. "

Lisbon éclata de rire devant l’air simili peiné qu’affichait l’homme à ses côtés.
Jane se nourrit instantanément du son cristallin qui sonnait à ses oreilles comme la plus douce des mélodies, laissant naitre un sourire sur ses lèvres.

" Bien. Je vais devoir te laisser. Je ne sais pas quand je pourrai te voir à nouveau. Tout dépendra de ce que le FBI me proposera et de ce que je serai prêt à accepter. Mais je ne disparaitrai plus. Je te le promets… Bref… En attendant, je suis passé chez toi pour t’amener quelques bricoles. J’ai tout rangé dans le placard. J’espère n’avoir rien oublié… "

Jane se pencha vers son amie et l’embrassa délicatement sur le front, caressant sa joue d’une main douce et légère. " Tu vas me manquer Teresa… A bientôt…"

Lisbon ferma un instant les yeux, posa la main sur celle de son ami et murmura : " Merci Jane. D’être venu me chercher, d’être resté, d’avoir veillé sur moi. Tu vas me manquer aussi… A bientôt… "

Jane se détacha de la jeune femme, lui fit un dernier geste de la main et quitta la chambre sans se retourner.








Épilogue

On l’avait enfin autorisée à sortir de l’hôpital. Elle se sentait encore faible et un peu groggy mais elle allait devenir cinglée si on ne la laissait pas sortir de ce lit et si elle devait encore une fois ouvrir les yeux sur un de ces murs rose. Elle n’avait pas revu Jane depuis son réveil et leur conversation. Elle était inquiète pour lui mais elle savait aussi qu’il fallait qu’elle pense d’abord à elle : même si elle avait du mal à l’accepter, elle avait un traumatisme à gérer. Ajouter Jane dans l’équation était une mauvaise idée.

Cho venait de la déposer chez elle. Il avait monté ses bagages et avait, par la même occasion, ramené tous les objets que la police scientifique avait embarqué le jour de son enlèvement. Elle lui avait proposé une tasse de thé, mais l’agent devait s’occuper du cas de Jane. Elle n’avait pas insisté, n’avait posé aucune question et l’avait remercié une dernière fois sur le pas de la porte.

Elle se retrouva seule dans son appartement et sentit une peur panique l’envahir : la dernière fois qu’elle s’était trouvée ici, elle avait été enlevée. Elle secoua la tête et se raisonna : le lieu n’avait rien à voir avec tous ces évènements ; Warren était le seul responsable de ce qui lui était arrivé.

Elle observa le carton que son ami avait déposé sur la table de la cuisine et décida de le vider : il était inutile de garder des preuves matérielles de tout ça sous les yeux. Elle s’employa à sortir le contenu de la boîte pour tout ranger. Lorsqu’elle extirpa son exemplaire d’un roman de Dickens de la caisse, elle tiqua : qu’est-ce que " Oliver Twist " pouvait bien faire là ? Elle avait lu ce livre au lycée et l’avait gardé sans jamais plus l’ouvrir. Normalement, il aurait du être rangé dans la bibliothèque, à côté des autres classiques qu’elle possédait. Elle observa le livre sans comprendre, fronça les sourcils et se dirigea d’un pas prudent vers le salon. Teresa était quelqu’un de très organisé : elle connaissait l’emplacement de chacun de ses bouquins. Elle parcouru la bibliothèque du bout des doigts et s’arrêta devant la place qui aurait du être vide. Un carnet rouge y trônait. LE carnet. Celui qu’elle était en train de lire lorsque Warren était arrivé. Elle sourit et soupira… " Jane… Il est illégal de cacher des pièces à conviction. Bien que dans ce cas…" murmura-t-elle. Elle saisit le manuscrit et le retira du rayonnage pour y placer le bon locataire. Un morceau de papier dépassait du champ. Étrange… Elle dénoua le lacet et tourna la couverture. Une feuille chiffonnée mais pliée en deux avait été placée entre les pages ivoire. Elle rejoignit le canapé, posa le carnet sur la table basse et déplia la feuille.

Lisbon replia la feuille, la glissa entre les pages du carnet et s’adossa au canapé, les yeux dans le vague. Jane devait avoir laissé cette lettre lorsqu'il était venu chercher ses quelques affaires. Un sourire, d’abord timide, puis plus franc, naquit sur ses lèvres. Elle ne savait pas quoi penser de tout cela. C’était beaucoup d’informations et beaucoup d’honnêteté d’un seul coup de la part de quelqu’un comme lui. Mais elle n’avait pas envie d’y réfléchir. Une seule pensée lui trottait en tête, chaleureuse et réconfortante. Elle ne savait pas de quoi demain serait fait, mais au moins, ils auraient un demain…