Liens en apesanteur (recueil d'OS) ^

Lisbon ouvrait la portière de sa voiture quand une vieille DS bleue se gara à côté d’elle.

- Tu vas où ? lui demanda Jane en descendant alors qu’elle s’installait au volant.

- J’ai des courses à faire.

Il hocha la tête.

- Je pense que j’ai un plan pour coincer Erica, on en parle quand tu reviens ?

- Ça marche.

Et il s’éloigna en direction de CBI. Elle rêvait ou Patrick Jane venait de croire à son mensonge ? En démarrant, elle se dit en souriant que ou il vieillissait ou elle commençait vraiment à faire des progrès.

Elle roula pendant près d’une demi-heure avant de s’arrêter devant un grand bâtiment où elle pénétra.

- Agent Lisbon ?

- Erica. Bonjour, la salua-t-elle d’une voix gênée.

- Qu’est-ce qu’il vous amène ? Du nouveau sur l’enquête ?

- Pas exactement. Je ne viens pas en tant que flic, je…

- Oh. Je vois. Je peux vous prendre dans dix minutes si vous voulez.

- Super.

Elle s’assit dans un fauteuil, contente de ne pas avoir à se perdre dans des explications compliquées.


- Vous venez ?

La jeune femme sortit brusquement de sa somnolence et regarda tout autour d’elle, se rappelant du lieu, avant de poser le regard sur la porte que tenait ce qui était à la base sa principale suspecte dans l’enquête en cours.

- J’arrive, désolée.

Elle entra dans une pièce aux lumières aveuglantes et s’assit sur le siège que lui montra Erica.

- C’est obligé la vidéo ?

- Oui, ça fait partie de notre système. Cela aidera vos âmes sœurs à se connecter à vous.

La brunette soupira, espérant que ça ne tomberait jamais entre de mauvaises mains – celles de Patrick Jane par exemple.

- Je vais vous posez une série de questions standards, vous êtes prête ? lui demanda Flynn de derrière la vitre.

Lisbon inspira un grand coup.

- Prête.

- Comment vos amis vous décrirez-t-ils ?

- Euh… travailleuse – un peu trop peut-être. Et souvent en colère aussi… mais attentive aux autres je suppose et capable de sacrifices pour ceux qui compte vraiment.

- Quel genre d’hommes vous intéresse ?

- Gentil, doux, attentionné… mais avec un côté drôle aussi, toujours prêt à vous remonter le moral, c’est important.

- Et physiquement ?

- Euh… aucune idée. Bien bâti, musclé. Avec des yeux dans lesquels on peut se plonger pendant des heures… enfin ça vire film à l’eau de rose là…

- Êtes-vous attirée par le côté sombre d’un homme ?

- C’est une partie d’un tout… alors oui, je pense même si ce n’est pas ce que je préfère. Mais les bisounours, c’est pas trop mon truc… j’aime ce qui reflète la vérité, la vraie vie, et un homme qui a un bagage derrière lui, bon ou mauvais.

[...]

- Dans un monde idéal, à quoi ressemblerait votre vie ?

- A pas grand-chose… répondit Lisbon qui avait repris confiance depuis un petit moment. Dans un monde idéal, il n’y aurait pas de crimes, donc pas de flics. Je n’aurais jamais rencontré ceux que j’ai rencontré et sans eux… je le répète, ma vie ne ressemblerait pas à grand-chose.

- Merci beaucoup, c’est terminé.

Lisbon se surpris presque à penser déjà ? Elle s’était prise au jeu, ses réponses étaient devenues de plus en plus naturelles, de plus en plus fluide, comme une évidence.

- Je crains ne pas pouvoir faire grand-chose pour vous, lui avoua Erica en la raccompagnant à la porte.

- Quoi ?

Tous ces efforts pour rien ?

- Vous venez de me faire le portrait exact de Patrick Jane.

Lisbon ouvrit la bouche… pour la refermer aussitôt. Non, pas ça, songea-t-elle. L’amour qu’elle avait pour Dieu était-il aussi peu réciproque ? Qui était l’imbécile qui avait dit que la foudre ne tombait jamais deux fois au même endroit ? Depuis son enfance, elle ne faisait que ça, se faire griller – dans les deux sens du terme.

- Pierre, feuille, ciseau.

Rigsby soupira.

- Tu prendras moins cher que moi…
- Pierre, feuille, ciseau, répéta l’asiatique impassible.

Après un énième soupire, le grand brun finit par mettre une de ses mains dans son dos.

- Si je perds cette fois, c’est toi qui le feras la prochaine fois !
- Un, deux… trois.

Les deux amis dévoilèrent leur main. Pierre pour Rigsby… feuille pour Cho.

- Gagné, sourit-il.
- Toujours sur moi que ça tombe… râla le plus jeune. Si je meurs, je te tiendrai responsable !
- Ça ne te servira pas à grand-chose. Bonne chance.

Il s’éloigna en direction du bureau de sa supérieure. Cherchant le meilleur moyen de lui annoncer que Jane avait hypnotisé leur principal suspect – qu’il savait innocent – pour le forcer à s’échapper du CBI sous les yeux de tous les agents de sécurité ainsi que sous ceux de Cho et lui-même, et l’avait ensuite fortement aidé à accomplir sa vengeance sur le vrai coupable contre qui personne n’avait de preuves. Elle n’allait pas être contente – non.

*****

Shakespeare's power

L’Agent Senior du CBI fit irruption dans l’open space, de mauvaise humeur, comme chaque fois où ils ne parvenaient pas à résoudre une affaire. Elle s’appuya contre le bureau du consultant.

- On a du nouveau ?

Van Pelt fit pivoter sa chaise pour lui faire face.

- La théorie de Jane est impossible.

Elle entendit un grognement venant du canapé mais ne releva pas.

- Les cinq victimes sont certes reliées par leur salle de sport et par la façon dont elles ont été tuées, mais dans chacun des cas, les preuves nous guident vers cinq noms de meurtriers différents, tous introuvables.

Le blondinet se redressa, le visage penseur.

- Qu’est-ce que Montague ? ce n’est ni une main, ni un pied, ni un bras, ni un visage, ni rien qui n’appartienne à un homme. Sois un autre nom. Qu’y a-t-il dans un nom ? ce que nous appelons une rose…
- … sentirait aussi bon sous n’importe quel autre nom, termina Lisbon. C’est bien la même personne qui change de nom pour brouiller les pistes. Jane avait raison, demande un mandat au plus vite pour le domicile du prof de musculation.
- Ça marche !
- Tu connais Shakespeare ? demanda Jane, soudain souriant.
- Je…
- J’hésitais mais tu es définitivement la femme parfaite ! Jolie, un caractère épouvantable et qui lit du Shakespeare… Teresa Lisbon, voulez-vous m’épouser ?
- Ah ah. Bon on a du travail, Cho et Rigsby, préparez-vous à partir dès qu’on a le mandat, je vais prévenir Wainwright, annonça-t-elle en quittant rapidement la pièce.